Déclaration de S.E. Monsieur Xavier Bettel Premier Ministre, Ministre d’Etat du Luxembourg 76ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies

Seul le discours prononcé fait foi

 

Déclaration de S.E. Monsieur Xavier Bettel

Premier Ministre, Ministre d’Etat du Luxembourg

 

76ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies

New York, le 24 septembre 2021

 

 

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

C’est avec une émotion particulière que je m’adresse à vous aujourd’hui. L’année dernière, nous avions dû nous parler par écran interposé, sans pouvoir interagir. Dans mon message, j’avais exprimé l’espoir que nous puissions bientôt nous revoir « en vrai ». Nous y sommes, même si en mode hybride.

 

Si nous pouvons nous exprimer à cette tribune, nous le devons au dévouement, à la persévérance et au génie de toutes celles et ceux qui n’ont épargné aucun effort depuis plus d’un an et demi pour endiguer la pandémie de COVID-19 : les scientifiques, les chercheurs, les médecins, les personnels soignants. Qui pouvait être sûr, il y a douze mois de cela, que plusieurs vaccins efficaces allaient pouvoir être développés si rapidement ?

 

New York, qui fut frappée de plein fouet par la pandémie, est redevenue cette semaine la capitale de la diplomatie et de l’engagement multilatéral. Cependant, le fait que beaucoup de discours et d’événements se tiennent en format virtuel montre qu’il n’y aura pas de sitôt un retour à l’avant-COVID. La pandémie persiste et son impact socio-économique continue de se faire sentir. A ce jour, plus de 4,5 millions de personnes sont décédées après avoir contracté le virus. 124 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté. La pandémie a fait perdre aux écoliers plus de 1800 milliards d’heures de cours en présentiel.

 

La pandémie nous force à reconnaître la nécessité et l’urgence de changer notre façon de faire. Le business as usual n’est plus une option. Nous devons renforcer notre action collective dans le cadre du système multilatéral, avec l’Organisation des Nations Unies en son centre.

 

Monsieur le Président,

 

Le Luxembourg vous félicite pour votre élection. Vous pouvez compter sur l’appui de notre délégation dans l’accomplissement de votre important mandat à la Présidence de cette Assemblée.

 

Vous avez décidé de mettre cette session de notre Assemblée sous le signe de l’espoir. C’est un choix judicieux.

 

Certes, chaque jour, le fil de l’actualité nous livre d’innombrables raisons de désespérer. La pandémie est toujours présente, et les crises et les conflits continuent de se multiplier. Je ne citerai que deux exemples : la crise en Afghanistan, où l’emprise des Talibans sur le pays hypothèque les progrès réalisés ces 20 dernières années en termes de gouvernance démocratique, de développement et de droits humains, surtout pour les femmes et les filles afghanes. Et que dire de la crise climatique ? Ses effets dévastateurs n’épargnent aucun pays. Le Luxembourg en a fait la douloureuse expérience avec d’autres partenaires européens au mois de juillet dernier, quand nous avons été frappés par des intempéries et des inondations d’une intensité sans précédent.

 

Mais il serait irresponsable de se laisser aller au fatalisme. Car l’espoir est permis. Il y a des raisons d’espérer. Elles doivent nous inspirer à agir et c’est sur cela que je voudrais concentrer mon propos.

 

L’espoir fait vivre, dit le proverbe. Et pour que l’espoir perdure, nous devons le nourrir de « réalisations concrètes créant une solidarité de fait », pour citer la déclaration de Robert Schuman sur la construction européenne.

 

En tant que responsables politiques, nous devons agir résolument, ensemble, pour relever les défis mondiaux. Les gouvernements n’ont pas toutes les clefs en main. Nous devons agir de concert avec les acteurs du secteur privé, la société civile, nos citoyens, et en particulier les jeunes qui s’inquiètent à juste titre de leur avenir.

 

Notre Secrétaire général, António Guterres nous y appelle. Je le remercie pour son action et je lui renouvelle mes félicitations et vœux de succès les plus sincères pour son second mandat à la tête de notre Organisation.

 

Dans le rapport qu’il vient de présenter, « Notre programme commun », le Secrétaire général nous met devant nos responsabilités. Je suis d’accord avec lui quand il dit que « nous sommes à un tournant de l’histoire ». L’avertissement sonne juste dans les circonstances actuelles. Nous devons faire le choix d’agir, le choix du sursaut salutaire conduisant à un avenir meilleur, plus vert et plus sûr.

 

Membre fondateur de l’ONU, le Luxembourg s’engage de longue date pour le multilatéralisme et pour un ordre international fondé sur la règle de droit. Aujourd’hui, mon pays est prêt à répondre à l’appel du Secrétaire général pour mettre sur pied un système multilatéral plus solide, plus efficace, plus inclusif, travaillant davantage en réseau. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons assurer la paix et la sécurité, le développement durable dans tous ses aspects, y compris la santé, le respect de l’Etat de droit et des droits humains.

 

La pandémie de COVID-19 nous a poussés à faire des choix difficiles, à agir dans l’urgence sans avoir la certitude d’avoir toujours les bonnes réponses pour parer à des situations inédites. Des progrès ont été faits depuis l’année dernière en vue d’endiguer la pandémie, surtout grâce au développement des vaccins. Au Luxembourg par exemple, près de 75% des personnes éligibles, c’est-à-dire des personnes âgées de 12 ans et plus, ont été vaccinées. De tels taux de vaccination permettent de réduire l’impact du virus et de créer les conditions pour une certaine reprise de l’économie et de la vie scolaire et sociale.

 

A travers le monde, plus de 6 milliards de doses de vaccin ont été administrées à ce jour. C’est un chiffre impressionnant, mais il reste insuffisant. Il faudrait 11 milliards de doses pour que soit dépassé le seuil de 70% de la population mondiale vaccinée et pour pouvoir ainsi mettre fin à la phase aiguë de la pandémie. Or l’accès aux vaccins est inégal. Et tant que cela sera le cas, nous ne serons pas à l’abri de nouveaux variants et de mutations plus virulentes.

 

Le Luxembourg est conscient de l’importance de la solidarité vaccinale.

 

L’année dernière et cette année, nous avons contribué à hauteur de deux millions d’euros au mécanisme COVAX pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19. En juillet, mon Gouvernement a décidé que le Luxembourg partagera 350.000 doses de vaccins avec ses pays partenaires en développement en Afrique et en Asie. Le 13 septembre dernier, une première livraison a été menée à bien : le Luxembourg a partagé avec le Cabo Verde 56.000 doses de vaccins ainsi que le matériel médical pour les administrer, via le mécanisme européen de protection civile.

 

Nous avons aussi mis à disposition des respirateurs pour l’Inde, pour le Népal et pour la Tunisie. Et nous mettons à disposition des réfrigérateurs pour vaccins au Laos, au Soudan, au Burkina Faso et au Sénégal. Nous sommes disposés à poursuivre nos efforts de solidarité internationale pour lutter contre la pandémie. J’ai eu l’occasion de le souligner dans le cadre du Sommet organisé avant-hier par le Président Biden.

 

J’ai bon espoir que nous arriverons à surmonter la pandémie si nous misons sur la solidarité et la science et si nous parvenons également à endiguer le flot de fausses nouvelles qui alimente le scepticisme anti-vaccins, et à fournir des réponses à ceux qui se posent encore des questions. Il convient de tirer toutes les leçons afin que nous soyons en mesure de prévenir les pandémies ou, à défaut, de mieux répondre à la prochaine pandémie, en maintenant les chaînes d’approvisionnement et en augmentant les capacités de production de vaccins. Cela passe par un renforcement de l’OMS et une coopération accrue entre les Etats membres. Le groupe indépendant mis en place par le Directeur général de l’OMS a formulé des recommandations utiles à cet égard.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Il y a six ans, nous avons conclu un accord historique à Paris. L’évolution du climat depuis lors montre cependant que nous devons aller plus loin dans nos contributions et la mise en œuvre de nos engagements. Si nous restons sur la trajectoire actuelle, la température s’élèvera de 2,7 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Or nous devons limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré par rapport aux niveaux préindustriels.

 

L’Union européenne a pris des engagements forts : réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030, et parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050. Le Luxembourg participe pleinement à cet effort et s’est fixé des objectifs climatiques sectoriels très ambitieux. Cela passe aussi par une politique énergétique volontariste : au cours des cinq dernières années, notre production d’énergies renouvelables a plus que doublé.

 

Nous devons tenir notre engagement à l’égard des pays en développement et les aider à renforcer leur capacité à faire face aux effets du changement climatique. Mon pays a décidé de doubler son financement climatique international, pour le porter à 200 millions d’euros sur la période 2021-2025. Je précise que pour le Luxembourg, ce financement pour le climat est additionnel à notre aide publique au développement, à laquelle nous continuons de consacrer au moins 1% de notre revenu national brut.

 

La COP26 s’ouvre bientôt à Glasgow. Ce sera un moment de vérité. J’espère que nous serons tous au rendez-vous et que nous prendrons les décisions qui s’imposent pour préserver le droit des générations futures de vivre dans un environnement sain.

 

UNICEF estime que plus d’un milliard d’enfants sont exposés aux chocs climatiques. La crise climatique est donc aussi une crise des droits de l’enfant. Dans ce contexte, le Luxembourg est particulièrement fier d'être membre de la coalition des repas scolaires, comme j’ai eu l’occasion de le souligner avant-hier au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires. Des programmes de repas scolaires efficaces constituent un investissement intelligent dans les générations futures en facilitant la création d'opportunités, en particulier pour les filles et les femmes.

 

Les droits humains sont mis à l’épreuve tous les jours, par la crise climatique, par la pandémie, mais aussi par les guerres et les conflits qui sont le théâtre de crimes qui heurtent la conscience humaine, de l’Afghanistan au Sahel en passant par le Proche-Orient, la Syrie et le Yémen mais aussi l’Ethiopie.

 

La promotion des droits humains au niveau national et au niveau international est un domaine d’action prioritaire pour nous et nous voulons continuer de prendre nos responsabilités dans ce domaine. C’est pour cette raison que le Luxembourg a présenté sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour le mandat 2022-2024. Ce serait notre premier mandat en tant que membre du Conseil.

 

S’il a l’honneur d’être élu par cette Assemblée au Conseil des droits de l’homme, lors du vote qui aura lieu le mois prochain, le Luxembourg s’engage à protéger et à promouvoir les droits de tous les êtres humains, dans un esprit de dialogue et de coopération. Nous comptons travailler étroitement avec les mécanismes des Nations Unies pour les droits humains. Et nous nous engagerons pour que soit entendue la voix de la société civile, qui est indispensable au bon fonctionnement du Conseil des droits de l’homme et des Nations Unies dans leur ensemble.

 

Nous avons quatre priorités qui sont reflétées dans nos engagements volontaires :

 

En premier lieu, l’appui à l’état de droit, à l’espace civique et aux défenseurs des droits humains et la lutte contre l’impunité : je voudrais réaffirmer ici notre soutien à la Cour pénale internationale et aux mécanismes de suivi et d’enquête mis en place dans le cadre des Nations Unies.

 

En deuxième lieu, le développement durable et l’action climatique fondés sur les droits humains : nous reconnaissons l’importance du droit au développement et nos politiques de coopération et d’action climatique ambitieuses tiennent compte du lien très fort qui existe entre la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la lutte contre le changement climatique et le respect des droits humains à l’échelle de la planète.

 

En troisième lieu, l’égalité des genres et la lutte contre toutes les discriminations : le Luxembourg mène une politique étrangère féministe et s’engage pour les droits et l’autonomisation des femmes et des filles, leur intégration socio-économique, la réalisation de leur droit à l’éducation et de leur santé et droits sexuels et reproductifs. Nous œuvrons pour la protection des droits des personnes LGBTI.

 

En quatrième lieu, nous allons continuer de nous investir de manière systématique pour les droits des enfants. Il est impératif que la voix des enfants et des jeunes soit mieux entendue et que leurs besoins soient pris en compte dans la réalisation des objectifs de développement durable et dans notre action climatique.

 

Les droits humains, ce sont aussi les droits humains des migrants et des réfugiés. Pensons un instant aux personnes qui sont contraintes de fuir l’Afghanistan. Il est évident que nous avons une responsabilité envers toutes celles et ceux qui se sont engagés pour les valeurs démocratiques et pour les droits humains. Je pense aux journalistes, aux défenseurs des droits humains, aux juges et aux procureurs, aux professeurs, à toutes ces femmes et tous ces hommes engagés qui, par l’exercice de leurs activités, sont maintenant directement menacés. Voilà pourquoi je me réjouis que la Commission européenne ait annoncé l’organisation d’une conférence sur la réinstallation d’Afghans vulnérables, ceci à la demande du Luxembourg notamment. Nous sommes prêts à y prendre part et à continuer de prendre nos responsabilités. Ne laissons pas tomber aujourd’hui ceux qui nous ont aidés et cru en nous hier.

 

Monsieur le Président,

 

Malgré les appels à un cessez-le-feu mondial qui permettrait de concentrer toute notre énergie sur les urgences planétaires, la pandémie et le climat, et la pleine réalisation des droits humains, les conflits perdurent. Ils sont le résultat de tensions entre Etats et à l’intérieur de sociétés qui reflètent une profonde crise de confiance.

 

Dans ce contexte, la proposition de notre Secrétaire général d’élaborer un nouveau contrat social ancré dans les droits humains et de façonner un nouvel agenda pour la paix est pertinente. Le Luxembourg est prêt à contribuer à ces efforts visant à restaurer la confiance, en assurant aussi le respect du droit international. Sans cela, il ne saurait y avoir de paix durable.

 

Le Luxembourg est aussi disposé à prêter main-forte quand il s’agit d’adapter l’ONU pour la rendre mieux à même de jouer son rôle de cheville ouvrière de la coopération multilatérale. Les adaptations ne sont pas faciles à réaliser, mais il ne faut pas pour autant se résigner au statu quo. Nous soutenons les appels au renforcement de l’Assemblée générale et à la réforme du Conseil de sécurité afin de rendre le Conseil plus représentatif, plus efficace et plus redevable à l’égard de l’ensemble des Etats membres.

 

Chers amis,

 

Il y a des raisons d’espérer. Ne baissons pas les bras. Persévérons. Agissons. Coopérons pour surmonter les épreuves auxquelles l’humanité fait face.

 

Nous le devons à la mémoire de celles et ceux dont les indicibles souffrances, au siècle passé, ont inspiré les valeurs inscrites dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Nous le devons à celles et ceux qui ont donné leur vie pour défendre ces valeurs. Et nous le devons à celles et ceux qui s’engageront à l’avenir pour ces valeurs universelles.

 

Nous devons leur donner l’espoir qu’un jour, on pourra avoir l’espoir de disposer des mêmes chances de réussite scolaire, nonobstant le lieu de naissance.

Qu’on soit blanc, noir, métisse ou asiatique, ne soit pas un obstacle à la réussite sociale.

Que je puisse exercer ma religion sans devoir craindre les représailles, que j’aie le droit d’être transgenre, gay, lesbienne, bisexuel, sans me cacher et devoir vivre une sexualité que les autres pensent correcte.

Que je n’aie pas à me poser la question si je vais pouvoir manger aujourd’hui, si je vais pouvoir disposer de soins de santé.

 

Oui, car l’espoir est encore aujourd’hui trop lié à mon lieu de naissance, mon origine, ma religion ou ma sexualité par exemple. Mon espoir est qu’un jour, dans un avenir proche, chaque être humain puisse vivre aujourd’hui les espoirs qu’il avait hier.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

 

 

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