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80ème session de l’Assemblée générale – Troisième Commission
Débat général
New York, le 8 octobre 2025
Intervention du Luxembourg
Madame la Présidente,
Le Luxembourg souscrit à la déclaration de l’Union européenne et souhaite y ajouter quelques éléments à titre national.
Nous sommes dans une période de crises et de changements qui affectent aussi les Nations Unies. Nous le voyons dans le travail de cette Commission, qui a dû raccourcir de 10% son temps de réunion. Pourtant la charge de travail reste la même, car les droits humains restent un des trois piliers des Nations Unies. Comme l’a souligné notre Premier ministre lors du débat général le 26 septembre dernier, les idéaux sur lesquels repose l’ONU vont de pair : paix, justice, liberté, dignité, droits humains, droit international.
Le Luxembourg était fier de siéger pour la première fois au Conseil des droits de l’homme à Genève de 2022 à 2024 et nous remercions les États membres de nous avoir confié ce mandat. Nous continuons de nous engager pour nos quatre priorités : (1) la promotion de l’état de droit et l’inclusion de la société civile, (2) le développement durable et l’action climatique fondés sur les droits humains, (3) l’égalité des genres et la lutte contre les discriminations, et (4) la protection et la promotion des droits des enfants.
Les mécanismes des Nations Unies pour les droits humains continueront à jouir de notre plein soutien. Ces mécanismes doivent disposer des moyens pour agir, et nous comptons travailler étroitement avec eux pour protéger et promouvoir les droits de tous les êtres humains, aussi dans le cadre des réformes liées à l’initiative ONU 80.
Nous attachons une grande importance à l’implication des jeunes dans le travail des Nations Unies, aussi à la Troisième Commission. Je tiens à féliciter la Présidence de la Troisième Commission pour l’évènement qu’elle organise pour les jeunes le 10 octobre. Nous travaillons tous pour un monde plus durable, plus juste, et plus équitable pour et avec les jeunes et les générations à venir. C’est pourquoi nous avons décidé de partager notre temps de parole avec nos deux délégués de jeunesse de l’ONU, qui vont porter la voix des jeunes au Luxembourg. Je passe donc la parole d’abord à Alexandra, qui sera suivie de Joshua :
[Alexandra prend la parole]
Madame la Présidente,
Aujourd’hui, je prends la parole inspirée par Kristina Lunz, militante pour une politique étrangère féministe. Elle nous rappelle qu’un monde plus juste n’est possible que si les femmes sont valorisées et présentes partout dans notre avenir. C’est dans ce même esprit que je veux partager les constats de la jeunesse au Luxembourg : beaucoup reste à faire pour avancer vers une égalité véritable.
Le sexisme banalisé reste présent dans notre société, dans le langage et les petites attitudes quotidiennes, souvent considérées comme « normales », ce qui freine les progrès.
Ces stéréotypes sont aussi présents dans l’économie. Même si l’écart de salaire horaire au Luxembourg reste faible, les femmes gagnent en moyenne 10 % de moins par an que les hommes, principalement parce qu’elles travaillent plus souvent à temps partiel. Cela s’explique souvent par les tâches familiales et domestiques, encore majoritairement assurées par les femmes.
Ces écarts continuent à la retraite : le «gender pension gap» était encore de près de 34 % en 2023, et les femmes représentent 80 % des bénéficiaires de la pension minimale. Cela démontre l’impact des carrières interrompues et du travail à temps partiel sur les femmes.
L’inégalité se voit aussi dans la représentation : dans les grandes entreprises, seules 23 % des places au conseil d’administration sont occupées par des femmes. Ce manque de modèles féminins crée un cercle vicieux, mais des exemples montrent que le changement est possible : La représentation permanente du Luxembourg auprès des Nations Unies à New York, mais aussi, Madame la ministre Yuriko Backes, Ministre de la Défense, Ministre de l’Egalité des genres et de la Diversité, et Ministre de la Mobilité et des Travaux publics du Luxembourg refuse les panels non paritaires et exige la présence de femmes à tous les événements de son ministère.
Les jeunes du Luxembourg restent aussi préoccupés par les violences fondées sur le genre. Plusieurs jeunes rappellent l’importance d’améliorer la sécurité des femmes, par exemple lorsqu’elles rentrent seules le soir, mais aussi dans leur vie quotidienne. Garantir l’égalité des genres, c’est aussi assurer à toutes et tous le droit de vivre en sécurité.
C’est pourquoi nous recommandons de :
- Renforcer l’éducation contre les stéréotypes sexistes, en ciblant les milieux où la sensibilisation reste insuffisante.
- Lancer un programme national « Femmes & Retraite », afin de réduire la précarité liée aux interruptions de carrière, en revalorisant les points et en reconnaissant le travail de soin.
- Imposer un contrôle de genre dans les institutions pour garantir visibilité, représentation et accès.
Je passe maintenant la parole à mon collègue délégué de la jeunesse, qui concentrera son intervention sur les droits de l’enfant.
[Joshua prend la parole]
Madame la Présidente,
En tant que délégué de jeunesse du Luxembourg, je souhaite rappeler que la promotion et la protection des droits de l’enfant sont des priorités auxquelles nous, jeunes, tenons profondément. Le Luxembourg est souvent cité en exemple, notamment grâce à sa première place dans le KidsRights Index en 2024 et aux retours positifs du Comité des droits de l’enfant. Mais derrière ces classements, il est essentiel de voir aussi la réalité vécue par beaucoup d’enfants dans notre pays.
Sur le plan de la protection, même si le Luxembourg dispose d’un bon cadre, nous voyons au quotidien les failles qui subsistent. La législation, encore largement fondée sur un texte datant de 1992, ne répond plus complètement aux besoins actuels. Des cas préoccupants persistent, comme le placement de mineurs dans des structures pour adultes faute d’alternatives adaptées, ou encore l’insuffisance des garanties pour les jeunes en conflit avec la loi. Cela ne concerne pas seulement notre pays : partout, la justice pour mineurs est un sujet sensible. Comme l’a dit l’Ombudsman pour les enfants et la jeunesse du Luxembourg lors de notre rencontre : « Let’s be tough on crime, not on kids ! » – un message qui, selon nous, doit rester au cœur de toute politique.
Un autre point crucial pour nous, jeunes délégués, c’est la participation. Trop souvent, les consultations se limitent à recueillir nos opinions sans que celles-ci soient suivies d’actions concrètes. Nous demandons que nos voix soient entendues et prises en compte de manière réelle et durable.
Lors de notre consultation avec la jeunesse luxembourgeoise, des enfants avec et sans handicap ont rejoué, sous forme de sketchs, des situations de leur vie quotidienne. Ces scènes ont rendu visibles les obstacles auxquels certains sont confrontés, mais aussi la force qui naît lorsqu’on les surmonte ensemble. L’inclusion ne profite pas seulement aux enfants concernés : elle enrichit toute la société, en rappelant que chacun a une place à part entière et que nos différences sont une source de cohésion et de progrès collectif.
Les jeunes du Luxembourg ont identifié des priorités concrètes lors de notre consultation. C’est pourquoi nous recommandons :
- Mettre en place une révision régulière des lois en matière de droits de l’enfant, afin qu’elles reflètent la situation réelle dans le pays et soient conformes aux engagements internationaux.
- Renforcer l’indépendance des institutions chargées du suivi et de la mise en œuvre des droits humains, afin qu’elles puissent agir de manière durable et indépendante des pressions
politiques. - Institutionnaliser un mécanisme de rétroaction afin que les jeunes consultés soient informés des suites données à leurs propositions.
- Favoriser l’intégration des jeunes en situation de handicap dans tous les espaces de vie et d’apprentissage, afin qu’ils puissent participer pleinement et être reconnus comme acteurs à part entière de la société.
Mesdames et Messieurs,
Nous savons que des progrès ont été accomplis, mais les défis restent nombreux. La jeunesse du Luxembourg continuera à s’engager, à porter nos idées et à demander que chaque enfant, sans exception, puisse grandir dans la dignité, la sécurité et l’espérance.
Je vous remercie.